Tout tourne autour de Birkenstock, ou le succès d’une « paire pratique chic-et-moche »

Qu’est-ce qui a attiré l’attention du monde de la mode dans cette sandale allemande « créée sans souci d’esthétique » ? Et puis il y a le luxe, aussi. Le correspondant du Financial Times revient rarement.

Mais ne perdez pas l’espoir de découvrir les raisons d’un succès instantané. On pensais que le dessinateur satirique John Callahan avait mis un terme au débat sur les qualités esthétiques des Birkenstocks avec sa représentation d’un médecin tenant une paire de ces claquettes pour un patient :

« Docteur, j’ai fini mon dernier morceau de pilule. »

« Mettez ça à sa place. »

Et le débat n’en vaut pas la peine, sauf pour les femmes. Pour ce qui est des hommes, il est difficile d’imaginer une chaussure qui suscite aussi peu de désir sexuel et d’attirance générale que ces sandales orthopédiques et diaboliques, rendues dans un camaïeu de couleurs aux tons terreux, à la manière de l’Europe de l’Est. Porter des Birkenstocks, à mon avis, c’est comme faire une bonne promenade : bénéfique et saine, mais dépourvue de tout attrait.

Un total de 4 milliards d’euros

C’est mon point de vue, et je sais que je ne suis pas le seul à penser ainsi. Ce qui me sidère, c’est que le monde de la mode n’est pas de notre avis, et ce depuis un certain temps déjà, malgré le fait que nous détournons le regard de chaque paire de Birks qui montre le bout de la semelle en liège.

On peut dire que L. Catterton, propriétaire de Louis Vuitton, Givenchy et Marc Jacobs, entre autres maisons de couture, a finalement acheté la majorité des actions du fabricant allemand de chaussures Schuh pour la somme de 4 milliards d’euros. Cependant, la première apparition de Kate Moss en Birks dans un magazine de mode remonte à plus de 30 ans. Un must-have de la saison 2013 était l’interprétation de Phoebe Philo en fourrure de Céline. En 2019, Valentino et Birkenstock ont collaboré sur une collection. Une flopée de célébrités, de Kendall Jenner à Usher, font la promotion de la marque.

La société allemande, en diversifiant ses styles et ses couleurs afin d’éviter l’obsolescence tout en conservant son âme, a fait preuve d’une merveilleuse stratégie. De la même manière qu’un ami me l’a expliqué par écrit, au jugement duquel je m’accroche toujours.

 Cela ne m’a pas du tout converti – je n’arrive pas à me débarrasser de l’odeur douce et alléchante du muesli. Une chose est sûre : Les Birkenstocks sont la preuve que tout, absolument tout, peut devenir à la mode si les circonstances le permettent. Un objet d’admiration en raison de son attrait, une sandale qui a été conçue avec l’esprit pratique et le mépris de l’esthétique afin d’atteindre un résultat objectivement énoncé ?

Un peu de sérieux !

Mais comment cela a-t-il pu se produire ?

Ce succès est-il le résultat de l’idée que la mode est une affaire de bon goût et de jugement, et qu’elle ne se termine pas par une lubie absurde. Tout n’est qu’une question de point de vue. Nous pouvons toutefois nous appuyer sur le temps pour faire la distinction entre le bon et le mauvais en art, en littérature ou en musique. Dans la mode, la roue tourne dans une récurrence sans fin, chaque moment ayant son moment de gloire et rien de durable.

S’il vous plaît, Birkenstocks, un peu de sérieux !

Cependant, même dans la mode, le sens du goût d’une personne joue un rôle important. Ce qui distingue ce type d’art des autres, c’est sa tendance à s’enrouler autour du sujet et à révéler quelque chose sur lui. Il n’y a pas d’autre art (à l’exception, dans un sens plus limité, des arts de la décoration) qui puisse parler de l’identité de l’individu – non pas du créateur, mais du consommateur.

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Un tableau raconte une histoire sur l’artiste ou son sujet qu’il est impossible d’oublier ; l’habillement raconte une histoire sur la personne qui le porte. Cela explique sa subjectivité et sa mutabilité, mais pas son absurdité.

Une petite quantité peut faire des merveilles, à condition qu’elle soit administrée correctement

Qu’est-ce qui rend les Birkenstocks si importantes ?

En d’autres termes, être « de contracté sans l’air » est exactement ce que mon amie avait en tête lorsqu’elle l’a dit. « Mon confort est plus important pour moi que mon apparence », dit l’homme aux Birkenstocks. Mais il le fait sans être ostentatoire. Avec juste le strict minimum de sincérité requis. Une petite dose de laideur peut faire des merveilles. Donc, la vraie question avec les Birkenstock n’est pas de savoir si elles sont attirantes ou non. 

La vraie question est : pourquoi ces objets sont-ils emblématiques de notre époque ?

Que pensez-vous de cette volonté farfelue d’afficher notre dédain pour ce qui est en-dira-t-on ?

Pourquoi cette idée de confort (le confort avec lequel nous nous amusons de manière ostentatoire) nous est-elle si chère ?

Si vous lisez régulièrement cette chronique, vous ne serez pas surpris d’apprendre que je trouve ma réponse dans les classes sociales, un système que l’on espère abolir mais qui continue à se crisper. Pour obtenir un sentiment de calme et de détente, ainsi qu’un sentiment de sincérité et d’absence d’autopromotion, il est nécessaire de faire le portrait d’une personne qui n’est pas dans son élément. Cette tentative pourrait être vaine. Bien que le message soit clair, l’aubaine est chic-et-moqueur.